Le travail social, un métier méconnu
Comment nourrir l’estime de soi?
Qu'est-ce que l'estime de soi?
L’estime de soi est souvent confondue avec la confiance en soi. Si ces concepts partagent la dimension transversale du regard sur nos propres capacités, le second ne s’y limite pas. En effet, l’estime de soi concerne le regard que l’on porte sur soi, mais aussi le vécu émotif lié à cette image de soi. Elle influence nos comportements et comporte une dimension cognitive. Mais qu’est-ce que l’estime de soi au juste?
D’abord, il importe de souligner que dans la littérature, on distingue l’estime de soi individuelle (aussi appelé de base fonctionnelle) de l’estime de soi collective que nous n’aborderons pas dans le présent article.
Brodar (2012) définit l’estime de soi individuelle comme étant « (…) un concept psychologique qui renvoie au jugement global positif ou négatif qu'une personne a d'elle-même. ». Il s’agit dans le domaine de la psychologie, de l’une des sept données fondamentales de l’identité. Cooley (1992) propose une définition sociologique du concept d’estime de soi de base qu’il appréhende comme une construction sociale, ce qui signifie que l'estime de soi est façonnée au gré des interactions sociales de chacun. Ces définitions suggèrent que le regard que l’on porte sur soi n’est jamais neutre et que celui-ci fluctue dans le temps et selon l’environnement social (Doré 2017).
Ainsi, l’estime de soi individuelle se construit et se module tout au long de l’existence d’une personne. Au courant de l’enfance, à travers la socialisation primaire (interactions avec les parents) et secondaire (interactions dans la garderie, à l’école), l’enfant intègre un certain nombre de savoir en lien notamment avec ses appartenances, ses compétences, les valeurs familiales et le cadre normatif de la société dans laquelle il évolue. Lors de ces interactions, il est valorisé à certains moments et d’autres pas.
Cela amène l’enfant et éventuellement l’adulte, dotée de l’ensemble de ses connaissances en lien avec lui-même et sa société, à porter un jugement sur sa propre valeur. Les médias sociaux ont aussi un rôle vu que la promotion d’un soi idéalisé n’est pas sans impact sur l’estime de soi collective des abonnés, mais agit aussi sur le jugement collectif porté à l’égard de certains facteurs influençant son estime de soi.
L’estime de soi collective renvoie au jugement que porte un groupe de personne en regard des caractéristiques identitaire du groupe (Crocker et Luhtanen,1990). Il s’agit de l’appréciation de la valeur qui est assujetti au filtre de l’essentialisation identitaire et influence l’estime de soi de base fonctionnelle (Doré, 2017).
L’estime de soi peut donc être positive ou négative et constitue cette faculté à porter un regard sur soi et à évaluer sa valeur.
Elle se construit à travers les interactions et au regard de la perception que nous avons et que les autres ont de nous. Elle se manifeste à travers des émotions (pouvant être positives ou négatives) face à l’image que l’on perçoit et que les autres ont de nous, ce qui nous amène à moduler nos comportements et pensées.
Quels sont les impacts d'une estime de soi positive ou négative sur le fonctionnement social?
Une estime de soi positive se manifestera par de la stabilité dans le temps. Vous souvenez-vous, nous avions souligné qu’elle évolue selon les interactions d’une personne? Dans le cas d’une estime de soi solide, elle aura tendance à résister aux échecs amenant la personne à se considérer comme ayant de la valeur et ce nonobstant ses imperfections et difficultés. Cette personne aura tendance à reconnaitre ses capacités, à se sentir à la hauteur et prendra des risques calculés. Dans ce sens, elle sera aussi plus consciente de ses difficultés sans que ceux-ci ne contraignent ces choix, elle agira en harmonie avec elle-même. De même, elle ne se sentira pas dévastée en contexte d’échec, car elle reconnaitra ne pas avoir tous les talents et cela n’affectera pas sa valeur personnelle. Comme cette personne aura tendance à connaitre ses forces et ses difficultés, elle mobilisera moins d’énergie à vouloir plaire et se montrera autonome face aux autres. Cela lui permettra d’affirmer son opinion et d’exprimer ses limites, sans avoir à déployer un effort énergétique lié à l’autoprotection (ego et autre).
Au contraire, une estime de soi personnelle fragile se présentera sous forme d’auto-dévalorisation ou à l’inverse par de la survalorisation de soi. Dans les deux cas, la personne peut être souffrante car elle expérimentera une crainte de l’échec démesurée. Cette crainte prendra notamment racine dans le décalage entre le soi idéal (par exemple, j’aimerais être plus costaud) et le soi réel, ou du moins la perception du soi réel (par exemple, je suis maigre), ce qui engendre de la déception et de la honte de soi. Notons que certains auteurs dont Cervone et Al (2014) estiment que plus l’écart entre le soi réel (ou la perception du soi réel) et le soi idéal est grand, plus la déception et honte de soi peuvent être grand. Dans ce genre de situation, une personne pourrait présenter une inquiétude plus grande face à son image, Elle aura tendance à se sentir différente, moins compétente et tendra à être plus conformiste pour plaire aux autres. Dans le même sens, elle tendra à moins reconnaitre et considérer ses envies et limites et les exprimera moins aux autres. Elle pourrait ne pas respecter ses envies et même agir de manière contraire à celles-ci. Elle pourrait aussi expérimenter de l’insécurité dans ses relations sociale, s’attendre à du rejet et être sur la défensive sans raison apparente, mobilisant ainsi de l’énergie à préserver une image sociale que la personne estimera comme nécessaire pour avoir de la valeur. Dans le même spectre du continuum, par réflexe de protection, certaines personnes présentant une faible estime de soi pourraient se percevoir comme grandioses, sans reconnaissance de leurs propres limites affectant aussi leurs fonctionnement et relations sociales.